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Mouvement Illusion

Pour comprendre le mouvement, on a d’abord cherché à le décomposer. Les progrès de la photographie autour des années 1870 ont permis au Français Etienne-Jules Marey et à l’Américain Eadweard Muybridge de suspendre le temps et de voir l’invisible comme les battements d’ailes d’un oiseau ou les sabots du cheval au galop. Notre cerveau, pris au piège de la persistance rétinienne, nous donne l’illusion du mouvement grâce à ces instants de temps figés, projetés à un rythme régulier. L’invention des frères Lumière porte vraiment bien son nom « écriture du mouvement » : le cinématographe.

Dans un premier temps, la caméra était fixe et enregistrait le mouvement présent devant elle. Puis, petit à petit, elle a pris des libertés en se déplaçant elle-même, passant ainsi du plan fixe au plan en mouvement. Les cinéastes se sont emparés des possibilités offertes. Nous nous devions de commencer notre saison par ceux qui ont rendu tout cela possible, les frères Lumière. Le film de Thierry Frémaux que nous verrons à la médiathèque Emile Zola est essentiel sur ce point.

L’invention scientifique passe rapidement aux mains des artistes, au premier rang desquels nous retrouvons Eiseinstein qui construit un cinéma révolutionnaire. Kalatazov, par une série de mouvements incroyables, nous fait traverser Cuba de Batista à Castro.

Il n’est pas envisageable de parler de plan séquence sans voir un film d’Ophuls et sa caméra virevoltante de poésie. Au Japon, Kurosawa utilise toutes les possibilités des compositions. La version restaurée des Sept Samouraïs sur grand écran en donnera un bel aperçu. Et comme les images se sont mises à bouger, elles peuvent également danser avec Gene Kelly ou courir avec le Merle chanteur. L’Angleterre mélancolique de David Lean cède peu à peu la place au Swinging London de Karel Reisz.

Comment ne pas profiter d’un tour de manège avec Hitchcock, de la traversée de Monument Valley avec Ford ou des merveilleux hommages au cinéma offerts par Giuseppe Tornatore ou Federico Fellini ? Encaisser les coups ou les esquiver en étant sur le ring de Raging Bull, s’échapper du labyrinthe de Shining, ou du monastère chinois de Raining in the Mountain ?

Toutes ces images, tous ces sons nous mettent à leur tour en mouvement, provoquant nos émotions.

Jean Aubert