Date | Film | Réalisateur |
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Jeudi 31 octobre 2024 (18h30) | Le Kid | Charlie Chaplin (Présentation de la saison à la Médiathèque Émile Zola) |
Jeudi 14 novembre 2024 (20h00) | Madame Bovary | Vincente Minnelli (Cinéma l’UTOPIA) |
Jeudi 21 novembre 2024 | La leçon de piano | Jane Campion |
Jeudi 28 novembre 2024 | Duel au soleil | King Vidor |
Jeudi 5 décembre 2024 | Senso | Luchino Visconti |
Jeudi 12 décembre 2024 | Secrets et mensonges | Mike Leigh |
Jeudi 19 décembre 2024 | Tout ce que le ciel permet | Douglas Sirk |
Jeudi 9 janvier 2025 | Oliver Twist | David Lean |
Jeudi 16 janvier 2025 | Hana-Bi | Takeshi Kitano |
Jeudi 30 janvier 2025 | Le conformiste | Bernardo Bertolucci |
Jeudi 6 février 2025 | Le jour du vin et des roses | Blake Edwards |
Jeudi 13 février 2025 | Une femme dans la tourmente | Mikio Naruse |
Jeudi 6 mars 2025 | In the mood for love | Wong Kar-wai |
Jeudi 13 mars 2025 | Le gang des tueurs | John Boulting |
Jeudi 20 mars 2025 | Loin du paradis | Todd Haynes |
Jeudi 27 mars 2025 | Tous les autres s’appellent Ali | Rainer Werner Fassbinder |
Jeudi 3 avril 2025 | Outrages | Brian De Palma |
Quand le mélo s’en mêle
Le visage d’une femme en larmes, des familles déchirées et réconciliées, le désir contraint par les interdits sociaux et moraux, tels sont les thèmes traditionnellement associés au mélodrame. Si dans le cinéma hollywoodien et, dans son sillage, dans la plupart des autres cinématographies, le mélodrame en tant que genre reste associé au féminin et à la famille, trouvant ses incarnations les plus emblématiques dans les films de Douglas Sirk, les qualités proprement mélodramatiques – le spectaculaire d’une action riche en retournements, l’exacerbation des passions, l’opposition paroxystique du bon et du mauvais, l’appel à l’émotion – dépassent de très loin les drames sentimentaux ou familiaux et caractérisent tous les grands genres populaires qui poursuivent le geste des grands romanciers et dramaturges du XIXe siècle comme Charles Dickens.
Né du chaos de la violence et du chaos de la Révolution française, le mélodrame répond à la faillite du sacré et de l’ordre dans un monde en plein bouleversement par une forme dont le caractère frénétique et paroxystique vise à réaffirmer une moralité occultée qui doit apparaître comme la plus évidente possible parce qu’elle est toujours profondément précaire. Le »happy end » qui caractérise tant de films populaires à Hollywood et ailleurs, plus qu’une fuite devant les difficultés du monde, est en fait un espoir fragile toujours arraché sur le fil d’événements catastrophiques et incontrôlables.
Fidèle à la tradition romanesque d’un Dickens, d’un Hugo ou d’un Balzac, le mélodrame au cinéma, plus qu’un simple genre, est la forme dramatique qui permet d’articuler les enjeux intimes (individuels, familiaux, sentimentaux) et collectifs (historiques, politiques, sociaux) et que l’on retrouve à la base de genres aussi divers que le western, le film de gangsters, le film en costume, le film social, le film de guerre. Tous ces genres sont représentés dans cette saison aussi bien le mélodrame familial et sentimental (La Leçon de piano, Tout ce que le ciel permet) que l’héritage du roman du XIXe siècle (Oliver Twist) et des films peut-être moins attendus comme Outrages ou Le Conformiste. Cette sélection entend rendre justice à la variété du mélodrame et à son immense influence, essentielle dans de nombreux récits.
Le mélodrame est la structure fondamentale de la plupart des fictions cinématographiques populaires. Il est à la fois un genre avec ses thèmes, situations et images spécifiques mais aussi une manière de raconter une histoire visant à susciter l’émotion du spectateur et à faire sens du monde (en retrouvant la moralité occultée ou en interrogeant les contradictions de cette moralité). L’émotion mélodramatique est affaire de spectacle et donc de mise en scène, et l’on peut distinguer deux pôles : l’excès baroque, la saturation, l’expressivité (la puissance opératique de Duel au soleil et de Senso ou l’expressionnisme d’Oliver Twist viennent à l’esprit) ou au contraire la retenue, l’ellipse, l’épure (comme dans les films de Naruse représentés ici avec Une Femme dans la tourmente), mais qui visent tous deux à susciter une émotion intense chez les spectateurs, alignés avec la reconnaissance morale d’un ordre retrouvé ou d’une faillite irrémédiable.
Hadrien Fontanaud