16/03/2006 – Le Casanova de Fellini

Le Casanova de Fellini – Italie / USA – 1976 – 2 h. 46

Casanova est le libertin par excellence, dont la seule raison de vivre est de séduire les femmes et de cumuler les exploits sexuels. Mais cette situation dont il ne devient plus le maître, sa réputation le devançant, lui devient plus difficile à supporter chaque jour. Une femme parviendra-t-elle à lui faire oublier les autres ?

Pour ce film qu’il considérait comme son plus abouti, Fellini a bénéficié de moyens peu communs : Venise reconstituée dans les studios de Cinecittà, une Venise qui n’a rien de réaliste, sublime dans sa pourriture, et qui transpire la mort par tous les pores. Magnifique réinvention – et non reconstitution comme dans Casanova, un adolescent à Venise de Comencini (1969) – qui prouve, une fois de plus, s’il était nécessaire, quel grand artiste était Fellini, capable de créer, de film en film, un monde personnel, inoubliable dans son exagération, sa boursouflure. Boursouflé aussi, son Casanova, englouti dans sa prétention et ses fausses valeurs, pris au piège de son système dans lequel seule compte l’apparence. Un homme qui, sous couvert de séduction, ne fait que répéter comme un robot des phrases creuses et des gigotements convulsifs. Tout au long du film, la même scène se rejoue, Casanova conquiert femme après femme, n’importe quelles femmes, souillon ou marquise, peu importe, elles ne sont que prétextes à son jeu narcissique, en fait, il les méprise. Casanova est incapable d’aimer ; il n’aime que lui-même. Au fil de sa quête obsessionnelle, le pantin se délite, se désagrège, jusqu’à devenir ce fantôme avarié, à l’image de la ville alentour. Cet homme ne naîtra jamais à lui-même comme l’explique si bien Fellini : «Casanova enfermé dans le sac amniotique d’une mère prison, mer- Méditerranée-lagune-Venise, et d’une naissance continuellement remise, jamais advenue.» Plus que tout autre film de Fellini, son Casanova provoque le malaise en nous faisant patauger dans le vide d’une vie puant le moisi et d’une époque visqueuse à donner la nausée, un théâtre hyperbolique qui nous renvoie par effet de boomerang directement à notre époque. Peut-être son plus grand film.

Marianne Spozio

Réalisation :Federico Fellini
Interprètes :Donald Sutherland, Tina Aumont, Cicely Browne, Carmen Scarpitta, Clara Algranti, Daniela Gatti, Margaret Clementi, Olimpia Carlisi, Silvana Fusacchia, Adele Angela Lojodice, Sandra Elaine Allen, Clarissa Mary RollDaniel Emilfork, Luigi Zerbinati, Hans van de Hoek