19/01/2017 – Loulou

Loulou (Die Büchse der Pandora) – Allemagne – 1929 – 2 h. 12 – NB

Loulou, une fille perdue, dont le riche amant, Peter Schön, a pour fiancée la fille du ministre de l’Intérieur, contraint ce respectable bourgeois à la rupture et parvient à se faire épouser. Follement épris, Schön supporte mal, pourtant, de découvrir, le soir de ses noces, Loulou en train de papillonner avec trois soupirants empressés, dont son propre fils, Alva. Il somme Loulou de laver son déshonneur en mettant fin à ses jours.

En 1928, après avoir longuement cherché celle qui pourrait interpréter Loulou, femme fatale autant que femme enfant d’une innocente perversité, Pabst choisit finalement l’Américaine Louise Brooks, comédienne de 22 ans remarquée dans Une fille dans chaque port, de Howard Hawks. Et de chaque nouvelle vision du film, on sort plus convaincu : Loulou, c’est bien elle. À tel point que parler du film, c’est parler de Louise Brooks, et inversement. Ce qui ne dévalorise en rien le travail de Pabst mais constitue au contraire une preuve de sa réussite. Car le sujet de Loulou – le film se confond avec Loulou – le personnage lui-même inséparable de Louise Brooks-la femme et actrice. Du début à la fin, passive mais désirante, elle est au centre, soumise aux regards qui l’admirent (la revue de cabaret) ou la jugent (au tribunal), troublant et séduisant tous ceux qu’elle croise sur son chemin. On pourrait n’y voir qu’un cliché sur la femme, créature tentatrice attirant les hommes, ces moucherons, comme une ampoule allumée sur laquelle ils viendraient se brûler les ailes, mais Louise Brooks s’empare de Loulou et la conduit bien loin de toute caractérisation facile. Et si le film raconte sa déchéance, Pabst n’en fait pas une punition méritée mais la filme, mélancolique, comme une inéluctable tragédie. Mêlant des éléments naturalistes à son style expressionniste, il communique admirablement sa fascination pour cette femme libre et mystérieuse égarée dans un univers sordide.

Erwan Higuinen – Libération – 10/04/1997

Réalisation :Georg Wilhelm Pabst
Scénario :Georg Wilhelm Pabst et Ladislaus Vajda d’après « Die Büchse der Pandora » et « Erdgeist » de Frank Wedekind
Photographie :Günther Krampf
Musique :Timothy Brock , Peer Raben (version restaurée)
Production :Seymour Nebenzal, pour la Nero-Film
Interprètes :Louise Brooks, Fritz Kortner, Franz Lederer, Gustav Diesel, Alice Robert, Carl Goetz, Daisy D’Ora, Michael von Newlinsky