22/03/2007 – L’émigré

L’émigré – Egypte – 1994 – 1 h. 55 – Couleurs

Il y a trois mille ans, Ram, fils d’une tribu très pauvre vivant sur une terre aride, rêve de transformer sa vie. Il refuse de vivre au jour le jour, de craindre la famine, de se résigner. Or, l’Egypte des pharaons est à cette époque le centre de la civilisation, et c’est donc là qu’il décide de partir pour apprendre. Malgré les réticences de son père qui l’adore, malgré la haine de ses frères qui le laissent pour mort dans la cale d’un bateau, Ram, par la force de sa volonté et la grâce de la providence atteindra son but. Mais les épreuves qui l’attendent sont autrement plus grandes…

En décembre 1994, L’Émigré de Youssef Chahine est sorti au Caire et à Alexandrie, après avoir obtenu sans problème l’agrément de la censure officielle. Succès immédiat : en trois semaines, 600 000 spectateurs voient le film. Tout en opposant la religion des nantis à celles des pauvres, le film n’a rien d’un pousse-à-la-révolte. Il vaut principalement par ses qualités romanesques, et c’est de cette manière que le public l’apprécie. Or L’Émigré est brusquement retiré de l’affiche. Motif invoqué : la plainte d’un avocat islamiste qui estime que le film donne une représentation physique d’un prophète, ce que la loi coranique interdit. L’Émigré raconterait l’épisode biblique de Joseph repris par ses frères, que Mahomet a jugé devoir figurer également dans le Coran. La société de production de Chahine a contre-attaqué, affirmant que dans le film, il n’est jamais question de Joseph, et d’autre part que la plainte d’un particulier ne peut l’emporter sur une autorisation officielle.

Alain Riou, Le Nouvel Observateur, numéro 9-15 mars 1995

C’est un film merveilleux. De ceux qu’on n’ose plus faire aujourd’hui, dans une époque désabusée où le cynisme est roi. Où le plaisir est suspect. Où l’on finit par aimer les films moins pour ce qu’ils sont que pour ce qu’ils ne sont pas. Par peur, peur d’être ému. Simplement. L’Émigré réveille ainsi la soif de connaître et la faculté d’être étonné par le monde. C’est un film qui permet de croire en l’autre et de croire au cinéma. Sans pour autant être solennel et pontifiant. (…) C’est un film qui avance à visage découvert. Souriant et naïf. Innocent et malicieux. A l’instar de Ram, son personnage central.

Claude-Marie Trémois, Télérama n° 2356

Réalisation :Youssef Chahine
Scénario :Youssef Chahine
Photographie :Ramsis Marzouk
Musique :Mohammed Noun
Montage :Rashida Abdel Salam
Interprètes :Yousra, Mahmoud Hemeida, Michel Piccoli, Khaled El Nabawi, Safia El Emary