Extérieur – jour
Juste avant l’effroi qui avait fait fuir les spectateurs devant l’entrée en gare du train de La Ciotat, les frères Lumière avaient filmé en plan rapproché une fillette et son chat. Les spectateurs furent émerveillés par l’arrière-plan : les feuilles bougeaient. Ce choc de l’« Extérieur – jour » était voué à un grand avenir par toutes les déclinaisons du paysage naturel que va connaître le cinéma. En sortant du studio, le cinéma était confronté à une contradiction majeure. Comment rendre crédible la nature dont le principe est la continuité au moyen d’un outil de représentation dont l’essence même est la discontinuité dans la prise de vue, les plans, le montage en alternance ? De “Naissance d’une nation” à “King-Kong” tous les subterfuges furent utilisés. Dans ce dernier film en particulier pour représenter le singe géant on ne construisit que des parties de son corps (la tête, la main, le pied). Cette utilisation du montage connut son apogée avec S.M. Eisenstein dans la “Ligne générale” (ou “l’Ancien et le nouveau”) véritable hymne à la lutte de l’homme pour la domination de la nature. Dans les années cinquante, on utilise le travelling mate pour placer des personnages dans des situations naturelles hostiles comme dans “African Queen” de John Huston.
L’objectif du programme de la saison 2012-2013 est de proposer une réflexion sur “Le retour de la nature” (un article de Baptiste Roux dans Positif de juin 2012). Dans les films récents de Jerzy Skolimoski (“Essential Killing”), de Nuri Bilge Ceylan (“Il était une fois en Anatolie”) et surtout de Terrence Malik (“The Tree of Life”), le cadre naturel où vient s’inscrire l’action, la toile de fond en quelque sorte, devient l’essence même de celle-ci. Donner à voir les splendeurs immenses de la nature, représenter l’indicible emmène le spectateur vers le sublime.
On observe notamment que pour transcender le principe du cinéma primitif, du plus loin au plus près (plan d’ensemble – gros plan) une solution de continuité est remise au goût du jour, le plan séquence qui, comme le disait le regretté Theo Angelopoulos, introduit le temps naturel dans l’espace naturel. Il était tentant de rechercher dans l’histoire du cinéma des films précurseurs comme “2001, Odyssée de l’Espace” qui annoncent cette démarche. Alors fin de la lutte pour la domination de la Nature et retour à une philosophie originelle, le panthéisme qui la place au centre du monde. Mais n’oublions pas qu’il s’agit de représentations cinématographiques. Dans son coin, Heisenberg sourit, lui qui disait : “plus on regarde la réalité, moins on la comprend”.
Henri Talvat
Film | Réalisateur |
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Les Moissons du ciel | Terrence Malick |
Je t’aime, je t’aime | Alain Resnais |
La Terre tremble | Luchino Visconti |
Le Hussard sur le toit | Jean-Paul Rappeneau |
L’Aurore | Friedrich Wilhelm Murnau |
La Mort aux trousses | Alfred Hitchcock |
The shooting | Monte Hellman |
Zabriskie point | Michelangelo Antonioni |
2001, Odyssée de l’espace | Stanley Kubrick |
Dans la brume électrique | Bertrand Tavernier |
Nous nous sommes tant aimés | Ettore Scola |
King Kong | Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack |
L’Aventure de Madame Muir | Joseph L. Mankiewicz |
La Mort en ce jardin | Luis Buñuel |
Riz amer | Giuseppe De Santis |
La Ligne générale | Sergueï Eisenstein |
African Queen | John Huston |
Brigadoon | Vincente Minnelli |